<< Retour aux articles
Image

Camions électriques : les « pionniers » témoignent

Transport - Route
23/02/2024
Le groupe Jacky Perrenot exploite une vingtaine de porteurs de 26 t électriques Renault Trucks pour de la distribution en température dirigée en Île-de-France et à Lyon, avec l’objectif de passer à 50 unités cette année ; de son côté, XPO Logistics peut compter sur ses 65 premiers porteurs électriques Renault et vient d’en commander 60 supplémentaires, en complément de 105 tracteurs, également Renault Trucks. Retours d’expérience de Corentin Vidalie, chef de projets opérations chez Jacky Perrenot, et de Bruno Kloeckner, DG France de XPO Logistics.
Place du camion électrique dans la stratégie
- Corentin Vidalie, chef de projets opérations chez Jacky Perrenot : Ces camions sont majoritairement affectés à la distribution urbaine de produits alimentaires, avec des livraisons dédiées aux derniers kilomètres pour l’instant sur l’Île-de-France et Lyon. Pour des questions de versatilité, ils sont carrossés pour faire de l’ambiant, du TD+ et du TD-, en plusieurs tours pour essayer de les optimiser au maximum. L’objectif est ensuite de couvrir d’autres métropoles qui privilégient les livraisons décarbonées et silencieuses pour les livraisons de nuit, puisque nos porteurs respectent les normes Peak indispensables à ce format de livraison.

- Bruno Kloeckner, DG France de XPO Logistics : La pression des ZFE et des normes environnementales poussées par l’UE nous a motivés à investir dans le camion électrique car notre crainte était de ne rien avoir à proposer à nos clients. Nous sommes à présent convaincus, d’autant plus avec nos premières années d’expérimentation, de la pertinence du modèle électrique dans notre métier pour les livraisons hyper urbaines. Il sera également adapté à la moyenne et longue distance, avec probablement une modification des tournées pour intégrer des recharges intermédiaires.

Flotte dédiée et financement
- Jacky Perrenot : Il peut s’écouler 36 mois entre le dépôt d’un dossier et la date de mise en service ‒ si le dossier a été retenu ‒, donc nous évitons de limiter un déploiement aux seuls véhicules contractualisés au moment du dépôt, et d’impliquer les clients trop tôt sur ce type de projets. Cela prouve l’ambition du groupe pour cette technologie, tout en sachant que nous pouvons compter sur un certain nombre de clients prêts à nous suivre dans cette démarche. Nos premiers camions électriques ont bénéficié du bonus, quand cette aide existait encore, et les suivants ont été soutenus par l’Ademe dans le cadre d’appel à projets. Ces aides, même si elles ne couvrent pas toutes la différence, permettent d’amoindrir le delta de coûts par rapport à des camions thermiques. Le gap reste tout de même significatif et, pour cette raison, ces camions sont réservés aux clients s’engageant dans une démarche d’utilisation exclusive, via une location de véhicules avec conducteur.

- XPO Logistics : Notre commande de 60 porteurs et 105 tracteurs électriques Renault Truks, annoncée fin janvier 2024, s’intègre dans une enveloppe Ademe. Ce n’était pas le cas de notre première commande de 65 véhicules. XPO a donc en partie financé ces premières acquisitions, avec l’aide du bonus écologique valable à l’époque. Certains clients ont signé spécifiquement pour être livrés en camions électriques, mais ce n’est pas le cas de tous. De fait, nous avons décidé d’investir pour notre propre compte et ces camions ne sont pas payés directement par les clients. Nous avions toutefois mis en place il y a deux ans une « Participation à la transition énergétique » destinée à déployer une stratégie de décarbonation. Les clients en voient désormais les fruits.

Réorganisation de la flotte
- Jacky Perrenot : L’idée n’est pas de positionner deux porteurs électriques 12 palettes à la place d’un porteur thermique 24 palettes. Nous recherchons des usages similaires pour remplacer un véhicule thermique par un véhicule électrique. D’ailleurs, ces nouveaux véhicules arrivent en remplacement des véhicules au gaz naturel, ces derniers étant déplacés sur des missions à plus longue distance, compte tenu d’une autonomie plus grande et d’un bon réseau de distribution GNV. On déplace ainsi les véhicules thermiques hors des villes, en remplaçant, en bout de chaîne, des véhicules Diesel.

- XPO Logistics : Ces camions sont venus en remplacement de porteurs diesel. Nous n’avons pas eu besoin d’adapter nos tournées et cela n’a pas altéré le service client, au contraire : dans l’hyper urbain très congestionné comme à Paris, les tournées excèdent rarement 200 km. Or, ces porteurs disposent de 230 km d’autonomie et avaient été préalablement testés en hiver avec 12 poses de hayon.

Retours des conducteurs
- Jacky Perrenot : Ils apprécient la conduite, qu’ils trouvent très souple et silencieuse. Ces camions bénéficient également d’une puissance/couple disponible assez impressionnants par rapport au thermique, ce qui permet d’être beaucoup plus précis. Il y a une vraie fierté, un vrai attachement des conducteurs à l’utilisation de ce type de véhicule. C’est valorisant pour le client mais aussi pour les conducteurs.

- XPO Logistics : Nous avons découvert le confort de conduite, qui est incomparable par rapport au diesel : la conduite est très souple, il n’y a pas de secousses, c’est très appréciable pour le conducteur qui travaille à la journée dans un véhicule. De plus, il ne respire pas de gaz d’échappement lors du déchargement, c’est vraiment un confort de travail. Le camion électrique est un vecteur d’attractivité pour notre secteur. Cela change vraiment l’image de notre métier.

Sous-traitance et passage à l’électrique
- Jacky Perrenot : On a affecté nos camions électriques sur des schémas dédiés, en cycle fermé, il n’est donc pas pertinent d’accompagner nos sous-traitants dans ce domaine. Nous en avons d’ailleurs assez peu, et pour ces derniers, nous proposons plutôt des schémas d’accompagnement vers le gaz naturel ; il est encore trop tôt pour l’électrique. Nous avons une inertie de 5 à 10 ans entre le moment où nous commençons à tester une énergie avec des clients et celui où on la met à disposition de nos sous-traitants pour homogénéiser notre flotte. En revanche, nous commençons à accompagner nos sous-traitants avec des VUL électriques. On en a déployé une cinquantaine, avec l’idée de toucher tous les centres-villes.

- XPO Logistics : Nous avons déjà bien travaillé sur la diminution de nos émissions du scope 1 et 2, avec nos bureaux à énergie positive Eco7 à Saint-Rambert d’Albon. Le scope 3 représente la moitié de nos émissions, avec une composition à majorité de petits transporteurs qui n’auront pas facilement accès au financement et pourront difficilement acheter des camions électriques.

Propos recueillis par Grégoire Hamon
Publié au Bulletin des Transports et de la Logistique n° 3962, 26 février 2024

 
Source : Actualités du droit