<< Retour aux articles
Image

Perturbations du trafic transalpin : « répercuter les surcoûts auprès des clients »

Transport - Route
08/09/2023
Conséquence directe des éboulements survenus le 27 août 2023 dans la vallée de la Maurienne, la circulation des poids lourds entre la France et l’Italie est très perturbée. Éric Bernard, président de BH Groupe, dénonce le manque de souplesse des autorités italiennes et entend répercuter les surcoûts, liés aux aménagements des plans de transport, auprès de ses clients.
Bulletin des transports : Vous êtes l’un des acteurs français de l’axe transalpin. Comment avez-vous fait face à l’éboulement qui a fermé les passages vers l’Italie via le Fréjus ?
Éric Bernard : C’est l’une de nos quatre filiales (1) TBH SAS, implantée à Lyon, qui a été directement impactée par cet éboulement ; elle réalise 10 % du volume d’affaires avec l’Italie pour un CA global groupe de 100 M€. Nous avons dû nous adapter à une situation que l’on ne pensait pas aussi calamiteuse. Compte tenu de la fermeture exceptionnelle du tunnel du Fréjus, on pensait pouvoir compter sur la souplesse du tunnel du Mont-Blanc et neutraliser cet impact. Nous avons eu l’énorme déception de constater que les accès à cet autre tunnel avaient été fermés dès la nuit du 27 au 28 août. Les conducteurs se sont retrouvés bloqués d’une manière inadmissible, en raison du manque de souplesse des autorités italiennes et de la direction de l’ATMB (2). Nous avons subi un aménagement des plans de transport avec des blocages côté français pour accéder à l’Italie. Les autorités italiennes nous dirigeaient vers Vintimille, soit 400 kilomètres supplémentaires à parcourir. Nous avons constitué des relais supplémentaires de transport à Lyon et à Chalon-sur-Saône, sans doubles équipages. Le principe consiste à envoyer un véhicule, parfois à vide, pour faire le relais à Vintimille avec un conducteur déjà présent dans le Sud pour que ce dernier puisse repartir en Italie et honorer le chargement du lendemain. Le premier pouvait ainsi repartir avec le chargement italien à livrer en France.

BTL : Déplorez-vous l’absence d’une véritable gestion de crise franco-italienne ?  
É. B. : Le tunnel du Mont-Blanc n’était pas opérationnel en libre circulation pour les poids lourds. Il aurait fallu que la direction du tunnel, comme les pouvoirs publics italiens, autorisent son accès, compte tenu du caractère exceptionnel de la fermeture du Fréjus. Au regard des volumes traités, nous serions arrivés à une certaine inertie. Force est de constater que nous nous sommes tiré une balle dans le pied dès la première nuit.

BTL : Clément Beaune voulait rétablir la circulation routière sur l’A43 dès le 7 septembre. Vous approuvez ?
É. B. : L’axe franco-italien est très emprunté ; si le calendrier est bien respecté, la réouverture du Fréjus va permettre aux véhicules de + 3,5 t de circuler. Il était important que le ministre se rende sur place pour dire aux autorités italiennes de traiter l’ensemble des nationalités qui transportent des marchandises de la même manière. Ce n’est pas l’impression que j’ai eue : un bon nombre de pavillons, dont les conducteurs français, ont été mis en « stand-by » en faveur d’autres immatriculations.

BTL : Êtes-vous toutefois optimiste pour les prochains jours ?
É. B. : La levée des interdictions, le week-end du 2 et 3 septembre, nous a fait gagner du temps et la visite du ministre à Chambéry a joué en notre faveur. Tous nos conducteurs (NDLR : une dizaine au total) sont donc rentrés et ont fait leur coupure. Dit autrement, nous sommes repartis le lundi avec des équipages « blanc » ; toutes nos ressources (conducteurs et véhicules) ont eu la possibilité d’être rapatriées à bon port.

BTL : Sur l’autoroute A43, il n’y aura que deux voies de circulation possibles dès la réouverture du tunnel du Fréjus. Le trafic sera-t-il fluidifié pour autant ?
É. B. : Je n’en suis pas sûr. Il me paraît opportun de reporter d’une semaine supplémentaire, soit au 18 septembre, le début des travaux de maintenance du tunnel du Mont-Blanc afin de réduire l’inertie. Inutile d’être trop « border line » compte tenu de la reprise de l’activité économique de la rentrée.

BTL : Au fond, quelles sont vos requêtes pour un retour du trafic à la normale ?
É. B. : L’itinéraire alternatif par Vintimille n’est pas une solution. Il faut que les transporteurs rhônalpins aient au moins la possibilité d’utiliser, sans encombre, le tunnel du Mont-Blanc. Les travaux ont été décalés d’une semaine. Pour l’heure, il ne faudrait pas que les autorités italiennes fassent un tri subjectif des pavillons comme on l’a vécu après les éboulements du 27 août. Les transporteurs frontaliers doivent pouvoir emprunter le Mont-Blanc et éviter des aménagements monstrueux de plans de transport. Outre les kilomètres parasites, ces aménagements génèrent une pollution supplémentaire. Nous serons obligés de répercuter les surcoûts auprès des clients. Et nous prendrons le temps de les chiffrer (coupures conducteurs, infractions au regard de la réglementation sociale européenne) avant de négocier.  

(1) Spécialiste de la traction de marchandises, BH groupe possède 4 filiales transport : TBH SAS, Chipier Transports, SJT SAS et SLT SAS pour couvrir l’ensemble du territoire français. L’entreprise compte 700 salariés dont 600 conductrices et conducteurs. Le groupe est spécialiste du lots complets, lots partiels et messagerie, principalement pour le secteur du e-commerce avec quelques clients en direct.  Son président, Éric Bernard, a présidé l’association Le Monde du Transport Réuni (LMTR) de 2021 à 2023.
(2) Les travaux de maintenance du tunnel du Mont-Blanc, initialement programmés à partir du lundi 4 septembre pour 4 mois, ont été reportés au lundi 11 septembre. En outre, la circulation ferroviaire sur la ligne Chambéry-Turin ne reprendra pas avant au moins deux mois.

Propos recueillis par Louis Guarino
Source : Actualités du droit