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Carburants alternatifs : retour d’expérience du groupe de transport Pihen

Transport - Route
04/09/2023
Le groupe familial de transport Pihen, créé en 1955, travaille essentiellement  pour les industries du parfum, de la cosmétique, de la pharmaceutique, de l’agroalimentaire et de l’emballage. Il effectue également des transports express Nord-Sud de fret urgent et de la location de véhicules poids lourds avec chauffeur. Sa flotte de 95 camions roule quasiment exclusivement avec des carburants alternatifs. Le point avec son PDG, Pascal Pihen.

Bulletin des transports : Vous avez été l’une des premières entreprises utilisatrices de B100. Pour quelles raisons ?
Pascal Pihen : La transition énergétique n’est pas un sujet nouveau pour nous, cela fait maintenant plusieurs années que nous œuvrons pour rendre notre activité plus propre. Dans cette continuité, nous avons décidé de renouveler notre engagement pour le Label objectif CO2 grâce à des actions significatives tel que l’utilisation d’Oleo100 (B100 produit par Saipol). Notre entreprise, située à mi-chemin entre les Usines Saipol du Mériot et de Grand Couronne, peut bénéficier d’un circuit court entièrement français. Nous avons commencé par tester cette solution avec des camions Renault Trucks Premium rétrofités début 2019. À l'époque, nos confères nous regardaient avec des yeux ronds. L’essai s’est montré concluant, ce qui fait que nous avons rapidement élargi à tous les véhicules éligibles de notre flotte, soit une quarantaine de Renault Trucks et 5 MAN TGS, sur une flotte totale de 95 camions. Nous avons ensuite commandé directement des camions neufs équipés d'origine pour le B100 et nous compterons bientôt 4 véhicules en B100 exclusif qui seront destinés pour les futures ZFE des régions parisiennes et lyonnaises. Pour les approvisionner, nous disposons d’une cuve sur notre site de Rémy (60) ainsi que d’une autre sur notre second site à Roanne (42).

BTL :  Avez-vous noté des effets indésirables ?
P. P. : Les premiers véhicules rétrofités consommaient 2 litres aux 100 kilomètres de plus que les Diesel classiques, ce qui n’a plus été le cas avec les camions suivants qui ont bénéficié de réglages d’usines. Les intervalles de vidange sont également plus courts mais sinon, nous ne notons aucune différence. Une fois que les camions sont habilités à recevoir du B100, ils y restent, avec toutefois la possibilité de faire l’appoint en gazole sur la route en cas de besoin, bien que cela ne soit pas du tout l’objectif. Quant à nos camions B100 exclusifs, ils disposent d’une autonomie de 1 000 litres, ce qui permet de tenir 4 jours.

BTL :  Le XTL vous semble-t-il être une solution pour le reste de votre flotte qui n’est pas compatible au B100 ?
P. P. : Oui. Nos camions Mercedes et Daf vont désormais pouvoir rouler avec ce carburant ; deux citernes viennent d’ailleurs d’arriver sur nos deux sites, nous sommes en train d’effectuer les réglages de lien wi-fi et de gestion des cuves sur PC avant leur mise en service. Le rendement est meilleur que le B100 mais ce carburant est plus cher de 5 %. Certains clients se montrent réceptifs pour tenir compte du surcoût, pour d’autres cela reste à négocier !

BTL :  À ce sujet, quels sont les retours de vos clients ?
P. P. : Ils sont très sensibles à nos efforts car ils ont tous une politique RSE. Nous travaillons notamment pour de grands groupes de l’industrie pharmaceutique, du parfum ou du luxe qui sont très sensibles aux solutions alternatives. Notre offre nous permet de cocher la case verte lors des appels d’offres, ce qui nous aide beaucoup. Nous avons été labellisés Objectifs CO2 et nous pouvons présenter d’excellents résultats en termes de bilan carbone.

BTL :  Vous êtes 100 % carburant alternatif ?
P. P. : Pratiquement, à part quelques vieux véhicules non compatibles et quelques utilitaires. Je regrette que les groupes froids de nos remorques frigo ne soient pas compatibles aux biocarburants alternatifs et n’acceptent pour l’instant que du Diesel classique ou du GNR, mais cela pourrait aussi bouger de ce côté-là.

BTL :  N’êtes-vous pas tentés par d’autres solutions type électrique ou hydrogène ?
P. P. : Les biocarburants nous permettent d’attendre 2035, lorsque la production de camions à technologie Diesel s’arrêtera. Ils restent donc transitoires mais nous ne regrettons pas ce choix car le transporteur qui reste au gazole fossile aura des difficultés pour répondre aux besoins de décarbonation de ses clients dans les années à venir. Pour l’instant, nous ne sommes pas tentés par l’électrique car ce n’est pas adapté à notre façon de travailler puisque nous transportons en lot complet et demi-lot et non sur le dernier kilomètre. Le coût d’acquisition est également beaucoup plus cher. Les camions hydrogènes, même s’ils sont encore plus onéreux, présentent en revanche des perspectives intéressantes pour nos activités. Pour l’instant ils ne sont pas rentables économiquement mais ils méritent d’être observés.

BTL :  Quels sont les efforts que vous avez déployés en matière logistique ?
P. P. : Nous nous sommes dotés en 2022 de nouveaux bâtiments modernes et écoresponsables sur notre site de Rémy pour notre activité Pihen Logistique, avec un nouvel entrepôt porté de 10 400 m², dont 1 400 m² pour le stockage de produits sous réglementation ATEX (matières inflammables). Cela porte nos espaces de stockage à 43 000 m2 dans l'Oise et 6 000 m2 dans la Loire. Notre nouveau site nous permet de répondre à la demande croissante de nos actuels et futurs clients par un élargissement du panel de produits stockables. Cela passe par la mise en place de mesures concrètes telles que la réduction de nos consommations d’eau et d’énergie, de nos émissions de gaz à effet de serre et une excellente isolation de nos bâtiments.

Propos recueillis par Grégoire Hamon
Source : Actualités du droit