L'indemnisation des préjudices permanents exceptionnels

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« Pour la Cour de cassation, le poste des préjudices permanents exceptionnels indemnise des préjudices extrapatrimoniaux atypiques, directement liés au handicap permanent qui prend une résonance particulière pour certaines victimes, en raison soit de leur personne, soit des circonstances et de la nature du fait dommageable, notamment de son caractère collectif pouvant exister lors de catastrophes naturelles ou industrielles ou d’attentats.

Selon la nomenclature Dinthilhac, peut être indemnisé au titre de ce poste tout préjudice permanent extrapatrimonial atypique qui découle du handicap et qui n’est pas indemnisé par un autre poste.

Il est expressément précisé que ce poste a été créé afin de ne pas retenir une nomenclature  trop rigide et dans un souci de pragmatisme.

La nomenclature Dintilhac cite les exemples de la personne japonaise victime en France d’un dommage à la colonne vertébrale, qui ne peut plus s’incliner pour saluer, signe d’une grande impolitesse dans son pays d’origine ainsi que des événements exceptionnels tels les attentats, les catastrophes collectives naturelles ou industrielles.

Il faut ici penser à toutes les situations permanentes dans lesquelles la victime se trouve placée, sans que cet état soit pris en compte par d’autres postes de préjudice.

On peut ainsi songer au fait pour un blessé grave de séjourner pour le restant de son existence en milieu institutionnel.

Cet état particulier est en lui-même une situation préjudiciable qui s’ajoute aux autres postes de préjudice.

On peut également évoquer à ce titre le syndrome très particulier que manifestent certaines victimes de viol qui éprouvent un sentiment de culpabilité inextinguible, malgré leur absence totale de responsabilité dans le traumatisme subi.

Cette culpabilisation affecte souvent les conditions d’existence de ces victimes pour le restant de leurs jours et aucun autre poste de préjudice n’en rend véritablement compte.

Il ne serait donc pas aberrant d’invoquer dans ce cas un préjudice exceptionnel permanent.

Eu égard à la rédaction de la définition de ce poste, il n’y a jamais eu, en pratique, de contestation quant aux caractères illustratifs et non exhaustifs de cette liste.

Ce poste n’a cependant vocation à accueillir ni des préjudices temporaires, ni des préjudices patrimoniaux qui doivent être inclus dans les autres postes existants pour être réparés.

À ce jour, la Cour de cassation n’a jamais consacré encore de préjudice permanent exceptionnel.

Elle décide, lorsque qu’un tel préjudice a été reconnu par les juges du fond, qu’il a vocation à être indemnisé soit au titre des souffrances endurées, soit au titre du déficit fonctionnel permanent, lequel inclut les souffrances permanentes, voire au titre d’autres postes de la nomenclature.

Ainsi en est-il du préjudice spécifique d’anxiété subi par les victimes du distilbène ou encore du préjudice spécifique découlant de l’impossibilité, pour une victime, de poursuivre un engagement religieux, politique ou associatif.

La jurisprudence a souvent reconnu sous d’autres termes l’existence de ce type de préjudice.

Les éléments constitutifs pourraient être indemnisés au titre de ce poste, tous les préjudices extrapatrimoniaux spécifiques en raison :

  • De la situation personnelle de la victime ;
  • Des circonstances ou de la nature du fait générateur (attentats, catastrophes naturelles ou industrielles, crash aérien…) ;
  • Du caractère extraordinaire, au sens premier, du préjudice invoqué.


Le préjudice consistant à ne plus pouvoir pratiquer sa religion dans des conditions ordinaires (impossibilité de s’agenouiller ou de participer normalement au culte) constitue certainement un préjudice de ce type. » (*)


Il est particulièrement important d'avoir recours à un avocat afin d'évaluer au mieux celui-ci en tenant compte de sa complexité.


* Max LE ROY, Jacques-Denis LE ROY, Frédéric BIBAL, L’évaluation du préjudice corporel, 21e édition LexisNexis