L'indemnisation des pertes de revenus des proches

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En cas d’accident, il convient d’indemniser « la diminution de revenus qui résulte de l’abandon temporaire ou définitif par le proche de son emploi pour assurer une présence constante auprès de la victime directe handicapée.

La nomenclature Dinthilhac propose cependant une définition binaire de ce poste qui suggérait qu’il existe deux hypothèses distinctes de pertes de revenus subies par les proches :

  • L’une serait engendrée par le handicap dont reste atteinte la victime directe ;
  • Et l’autre serait induite par l’arrêt temporaire ou définitif de l’activité professionnelle de la victime par ricochet.

La première hypothèse envisagée par la nomenclature (perte de revenus engendrée par le handicap de la victime directe) correspond en réalité aux pertes de gains professionnels (actuelles et futures) subies par la victime directe et qui sont indemnisées en tant que telles par un poste distinct.

Il n’existe donc qu’une seule hypothèse qui permette de solliciter au nom du proche un préjudice économique : celle où il cesse temporairement ou définitivement de travailler en raison du fait dommageable.

La nomenclature attire expressément l’attention sur le risque d’une double réparation qui pourrait résulter de l’indemnisation cumulative des pertes de gains subies par le proche ayant cessé de travailler pour assurer l’assistance par tierce personne et de la tierce personne dont a besoin le blessé.

La nomenclature préconise de déduire des pertes de gains de la victime par ricochet l’indemnité versée au titre de la tierce personne correspondant au travail effectué.

L’indemnité versée au titre de la tierce personne et celle versée au titre des pertes de gains visent cependant chacune à réparer deux préjudices distincts, subis par deux personnes distinctes : l’indemnisation des pertes de revenus est due au proche alors que l’indemnisation de l’assistance par tierce personne est due à la victime directe.

La jurisprudence considère que le proche, renonçant à son activité professionnelle pour assurer le rôle de la tierce personne auprès du blessé, doit être indemnisé au titre de son préjudice professionnel, à côté des indemnités allouées par ailleurs à la victime directe au titre de ses besoins en tierce personne.

Mais la question de l’interaction entre ce préjudice professionnel de la victime par ricochet et le poste d’assistance par tierce personne reste en débat.

Il semble que les sommes allouées à la victime directe au titre de la tierce personne peuvent être déduites du préjudice économique du proche mais les modalités de cette déduction restent très imprécises.

Se pose également la question de ce que l’on doit entendre par préjudice professionnel propre : doit-on notamment y intégrer les pertes de droit à la retraite ?

Ainsi, dans le cas d’une mère ayant été obligée de solliciter une préretraite pour s’occuper de son fils, la cour d’appel avait débouté la mère de toute réparation de son préjudice économique estimant qu’il appartenait à son fils (assisté de son curateur) de rémunérer une tierce personne extérieure à la famille.

Censurant au visa de l’ancien article 1382 du Code civil et du principe de réparation intégrale, la Cour de cassation fait grief à la Cour d’appel de ne pas avoir recherché si la mère n’avait pas subi un préjudice économique personnel consistant en une perte de gains professionnels et de droits à la retraite non compensée par sa rémunération telle que permise par l’indemnité allouée à la victime directe au titre de la tierce personne.

Enfin, dès lors qu’il n’existe pas, aux termes de la nomenclature Dinthilhac, de poste réparant l’incidence professionnelle subie par le proche, toutes les conséquences périphériques induites par l’arrêt de son activité professionnelle ou la modification de ses conditions de travail doivent être prises en compte au titre de ce poste.

La perte de revenus indemnisable peut être constituée par une perte ou une diminution :

  • De salaires ;
  • De bénéfices (dans le cadre d’une profession libérale par exemple) ;
  • De primes (impossibilité pour le proche d’assurer des astreintes, de travailler le week-end ou les jours fériés) ;
  • D’une augmentation prévisible de la rémunération (en raison d’une promotion manquée, d’une modification de poste prévue non mise en œuvre, d’un accroissement prévisible d’activité ou une prise de poste pour un inactif) ;
  • Du montant de la pension de retraite à percevoir ;
  • Etc.

Au titre de l’incidence professionnelle, ce poste peut également viser à réparer :

  • L’abandon d’une carrière épanouissante ;
  • Une reconversion forcée ;
  • La perte d’un statut socio-professionnel ;
  • Un préjudice de carrière ;
  • Une perte de mobilité géographique ou de souplesse horaire ;
  • Une modification du temps de travail ;
  • Etc.» (*)

En toute hypothèse, il convient d’être assisté d’un avocat habitué à ce type de dossier pour obtenir une juste indemnisation de l’ensemble des postes de préjudice.



* Max LE ROY, Jacques-Denis LE ROY, Frédéric BIBAL, L’évaluation du préjudice corporel, 21e édition LexisNexis