La sensibilité de la victime et de l'expert dans l'évaluation des souffrances psychiques au cours d'une expertise pour la réparation intégrale du préjudice corporel

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Il convient d’envisager l’impact de la sensibilité de la victime et/ou de l’expert dans l'évaluation des souffrances psychiques au cours d'une expertise pour la réparation intégrale du préjudice corporel.

« En effet, concernant la victime, une question particulière se pose quant à la prise en compte ou non dans l’évaluation des souffrances de la sensibilité de la victime : la capacité propre de la victime à supporter la douleur doit-elle être un facteur de modulation ?

Les médecins spécialisés dans le traitement de la douleur constatent que la capacité personnelle d’endurer une souffrance varie fortement d’un individu à l’autre.

La douleur pour une même lésion peut par exemple être ressentie différemment selon l’état de santé général (indépendant des strictes conséquences accidentelles), l’équilibre neuro-végétatif et psychique ou l’âge du blessé ainsi que les circonstances existentielles qui lui sont propre (isolement ou entourage, nature de l’activité professionnelle…).

Mais cette question de la prise en compte de la sensibilité de la victime est bien sûr délicate en raison de la difficulté à objectiver une sensibilité particulière à la douleur. Pour mettre en évidence ou au contraire réfuter ce facteur de majoration des souffrances, il conviendra, après avoir soigneusement recueilli les doléances du blessé, de les confronter aux éléments du dossier médical permettant de démontrer qu’à lésions ou soins égaux, cette personne a exprimé au cours de la maladie traumatique une souffrance plus important que celle qu’on aurait pu constater chez un autre patient.

Outre les prescriptions d’antalgiques, les transmissions des infirmières et les diagrammes de soins (permettant de comptabiliser les doses d’antalgiques délivrées) permettront d’apprécier, non pas de manière absolue, mais par rapport à la posologie habituelle, si une sensibilité particulière s’est exprimée.

Concernant la sensibilité de l’expert, ce facteur est rarement évoqué mais il ne doit pas être négligé.

Le médecin qui examine la victime n’est pas à l’abri de sa propre subjectivité par rapport à la douleur et aux soins.

Certains experts sont particulièrement empathiques, d’autres au contraire se raidissent devant l’invocation de la douleur et ont tendance à l’occulter.

L’expert sera vraisemblablement dans l’impossibilité d’autoévaluer sa propre sensibilité devant un patient rapportant lui-même des sensations douloureuses.

Mais ce facteur pourra être mieux cerné et maîtrisé en invitant l’expert, après la description des éléments factuels impactant la souffrance, à consigner les arguments l’amenant à apprécier et qualifier cette souffrance. » (*)

En toute hypothèse, il convient d’être assisté d’un avocat habitué à ce type de dossier pour obtenir une juste indemnisation de l’ensemble des postes de préjudice.


* Max LE ROY, Jacques-Denis LE ROY, Frédéric BIBAL, L’évaluation du préjudice corporel, 21e édition LexisNexis