La nécessité de l'évaluation détailllée de la gravité de la douleur après un accident ou une agression

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Il est nécessaire dans la description des séquelles des blessures que les médecins experts fournissent aux tribunaux les éléments pour évaluer l’indemnité de caractère personnel correspondant aux souffrances endurées.

Aussi, il est utile dans la discussion que les médecins rappellent les éléments principaux constitutifs des souffrances et les facteurs aggravants éventuels.


Les circonstances du fait générateur :

Il faut procéder à un examen des circonstances du fait dommageable, notamment en cas d’accident ou d’agression.

Ces éléments peuvent apparaître à la lecture du dossier médical - comme le nombre de plaies suggérant l’acharnement particulier d’un agresse -, mais aussi d’autres pièces du dossier, tels les procès-verbaux de police – telle que l’indication d’une désincarcération - ou les attestations de témoins - qui décrivent par exemple la violence de l’agression -.

Certaines circonstances participent à aggraver les souffrances : perte d’un proche durant l’accident, survenue de l’accident dans un lieu censé représenter la sécurité, nombre de personnes blessées/ décédées dans le même événement, une date particulière…


La nature et l’importance des lésions initiales :

« Concernant la douleur physique, certaines blessures, selon leur type ou leur localisation, sont identifiées comme particulièrement douloureuses.

Les brûlures notamment provoquent des douleurs extrêmes importantes, mais aussi les fractures ouvertes, les fractures du rachis, les luxations cervicales, les enfoncements thoraciques ou encore les lésions nerveuses…

Le certification initial descriptive, qui détaille les toutes premières constations médicales des blessures, est alors une pièce très utile.

Par ailleurs, lorsque la victime sollicitera son dossier médical complet auprès de l’hôpital concerné, elle devra être vigilante en vérifiant que l’intégralité des lésions soit listée.

En effet, il arrive que certaines d’entre elles ne soient constatées qu’a posteriori par les médecins qui traitent d’abord les blessures les plus urgentes.

Concernant les souffrances psychiques, souvent dites « morales », il convient d’évoquer avec la victime les souffrances morales ressenties liée à ses propres blessures et le retentissement psychologique de l’événement traumatique.

Elle sera certainement en état de choc après l’événement, de telle sorte que les répercussions psychologiques se manifesteront quelques jours, voire quelques semaines ou mois après l’accident ou l’agression. »


La nature, l’importance et la durée des soins :

« Concernant la douleur physique, certains actes de soins bien précis, notamment chirurgicaux (chirurgie du genou, de l’épaule…), d’immobilisation (matériels d’ostéosynthèses, plâtres ou corset) ou de rééducation, sont connus pour être particulièrement pénibles.

Lors de la description des soins, on veillera à bien distinguer les phases thérapeutiques :

  • D’abord les soins immédiats, pour lesquels il convient notamment de détailler : le nombre et la nature des interventions chirurgicales, leurs suites et soins, en particulier certains pansements sans anesthésie qui sont parfois douloureux, les complications - notamment infectieuses -, la durée des hospitalisations et le type de service dans lequel est hospitalisé la victime - un service de réanimation ou de grands brulés est particulièrement impressionnant et éprouvant - ;
  • Ensuite les soins au long cours, pour lesquels il convient notamment de détailler : le nombre et la nature des soins post-opératoires, la nature et la durée de la rééducation, en précisant le nombre de séances et la ou les articulations intéressées (car la rééducation de certaines articulations est plus pénible que d’autres comme par exemple le coude, le genou et les doigts), ou de psychomotricité (le type de centre de rééducation), ou encore en matière de rééducation cognitive dans le cas de traumatisés crâniens ; à cela s’ajoutent le nombre et la durée de séjours hospitaliers parfois mal supportés.

Le tout doit de surcroît être envisagé sous le double aspect de l’intensité et de la durée :

  • Il sera différent de souffrir pendant quelques jours ou pendant plusieurs mois car du fait de la durée, la douleur devient différente et peut être exponentielle ;
  • La douleur peut être également très intense initialement puis jugulée ou au contraire d’intensité croissante.


Le rôle de l’angoisse ne doit pas être négligé (comme cette angoisse cardiopulmonaire qui, plus qu’une douleur vive, entraine cette impression pénible de mort imminente bien décrite dans certaines pathologies et complications) et de la crainte (suscitée par les suites de certains actes thérapeutiques tels les changements de plâtres, les pansements itératifs, les ponctions, les drainages, ou les perfusions…).

Dans tous les cas, les certificats médicaux des différents praticiens précisant notamment la nature du soin et la durée de celui-ci (par exemple : attestation du kinésithérapeute portant sur le nombre de séances de rééducation et le déroulement de ces séances), mais également les comptes-rendus d’hospitalisation, constituent des éléments importants d’évaluation des souffrances.

Une attention particulière doit être portée sur les transmissions infirmières qui contiennent souvent des informations essentielles (par exemple : description des douleurs : +++, ou patient algique ou encore pansement à vif changé quotidiennement).

Concernant les souffrances psychiques, souvent dites « morales », un état de souffrance peut se chroniciser avant la consolidation, sur un mode de stress post traumatique, de syndrome de répétition nocturne, de sentiment permanent d’insécurité avec des conduites phobiques responsable d’un trouble important des relations, de culpabilité, de troubles du sommeil, de conduite d’évitement, d’état d’alerte, etc.

Le syndrome douloureux chronique peut alimenter un état anxiodépressif qu’il conviendra également de prendre en compte au titre des souffrances psychiques.

L’état de la victime peut nécessiter un suivi psychologique ou psychiatrique qui doit être documenté par une attestation du soignant précisant : le nombre de séances passées, les syndromes détectés, la méthode de soins utilisées (EMDR, médicamenteuse, etc.), l’évolution de l’état de santé.

Les ordonnances concernant les psychotropes prescrits devront également être communiquées.

Lorsque les atteintes psychiques sont trop importantes, il peut être nécessaire de faire réaliser un rapport médico-légal par un psychiatre.

Certains préconisent que figure ici le préjudice d’angoisse décrit par d’autres comme autonome.

S’il est clair que le préjudice d’angoisse peut faire conceptuellement évoquer la notion de souffrances psychiques, il est fréquent en pratique que son évaluation ne soit pas possible au titre des souffrances temporaires compte tenu de la nature très spécifique et de l’intensité extrême de cette angoisse.

C’est la raison pour laquelle il a été préconisé d’en réaliser une évaluation autonome situationnelle. »*

En toute hypothèse, en votre qualité de victime, vous devez envisager l’ensemble de votre dossier pour la reconnaissance de la totalité de vos préjudices avec un avocat habitué à ce type de saisine, de négociations et de combat.




* Max LE ROY, Jacques-Denis LE ROY, Frédéric BIBAL, L’évaluation du préjudice corporel, 21e édition LexisNexis