La définition et les éléments constitutifs du déficit fonctionnel permanent dans la réparation intégrale du préjudice corporel
-« Le déficit fonctionnel permanent (DFP) est l’un des postes de préjudice les plus délicats à appréhender actuellement et ce pour au moins deux raisons.
D’abord à cause de sa filiation bâtarde avec l’ancienne incapacité permanente partielle (IPP).
Cet ancien concept, aujourd’hui abandonné en droit commun, était mâtiné d’une composante physiologique et d’un aspect économique, qui le voulait comme tel au recours des organismes sociaux.
Il en résultait une confusion contre laquelle Mme le Professeur Lambert-Faivre, peu à peu soutenue par des nombreux praticiens et quelques universitaires, s’est battue pendant des années.
Le concept a été implicitement mais nécessairement condamné par la réforme du 21 décembre 2006, entrainant l’application d’une nouvelle nomenclature des préjudices.
Mais ce lien historique entre l’incapacité permanente partielle et le déficit fonctionnel permanent rend difficile l’adoption d’une nouvelle méthode d’évaluation, qui maintient peu ou prou l’évaluation de l’IPP sous une simple dénomination en DFP.
La seconde raison de la complexité du DFP est sa définition qui associe une composante strictement incapacitaire, à une composante algique et à une composante existentielle tirée de l’atteinte à la qualité de la vie.
Le rapport du groupe Dinthilhac rappelle à cet égard la définition de travaux techniques réalisés dans le cadre d’une concertation européenne à Trèves en juin 2000 et définissant le poste comme « la réduction définitive du potentiel physique, psychosensoriel, ou intellectuel résultant de l’atteinte à l’intégrité anatomo-physiologique médicalement constatable, donc appréciable par un examen clinique approprié complété par l’étude des examens complémentaires produits, à laquelle s’ajoutent les phénomènes douloureux et les répercussions psychologiques, normalement liés à l’atteinte séquellaire décrite ainsi que les conséquences habituellement et objectivement liées à cette atteinte dans la vie de tous les jours ».
La nomenclature précise en outre que le poste inclut la perte d’autonomie personnelle dans les activités journalières, ainsi que les « déficits fonctionnels spécifiques ».
La même nomenclature indique aussi que ce poste ne doit pas se confondre avec le préjudice d’agrément, réservé désormais à l’atteinte aux activités particulières de loisir.
La Cour de cassation, dans sa jurisprudence postérieure à la loi du 21 décembre 2006, a nettement entériné cette nouvelle définition complexe du déficit fonctionnel permanent, intégrant les troubles ressentis dans les conditions d’existence personnelle, familiale et sociale.
Il en résulte qu’il peut donc y avoir une aggravation du déficit fonctionnel permanent alors même que, sur le plan strictement médical, le taux d’incapacité n’est pas modifié, dès lors que les autres composantes du déficit fonctionnel permanent tels les troubles dans les conditions d’existence se trouvent majorées.
La définition du déficit fonctionnel permanent impose donc de distinguer clairement trois composantes :
- Le déficit physique ou psychique objectif ;
- Les souffrances ressenties après la consolidation ;
- L’atteinte subjective à la qualité de vie et les troubles dans les conditions d’existence. » (*)
* Max LE ROY, Jacques-Denis LE ROY, Frédéric BIBAL, L’évaluation du préjudice corporel, 21e édition LexisNexis