La définition des préjudices extrapatrimoniaux évolutifs

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« La nomenclature Dintilhac énonce qu’il s’agit « d’un poste de préjudice relativement récent qui concerne toutes les pathologies évolutives ».

A ce titre, sont « notamment » visées les « maladies incurables susceptibles d’évoluer et dont le risque d’évolution constitue en lui-même un chef de préjudice distinct qui doit être indemnisé en tant que tel.

Ce poste de préjudice trouve son origine dans la notion de préjudice spécifique de contamination, initialement élaborée pour les victimes du virus de l’immunodéficience humaine (ci-après, VIH) et consacrée par les juridictions du fond, avant d’être entérinée par la Cour de cassation.

Aux termes de cette définition jurisprudentielle, le préjudice spécifique de contamination par le VIH est un préjudice personnel, non économique.

Il comprend l’ensemble des troubles dans les conditions d’existence entraines par la séropositivité, puis, s’il y a lieu, par la maladie déclarée.

Il inclut, dès la phase de séropositivité, tous les troubles physiques et psychiques subis du fait de la contamination par le VIH : réduction de l’espérance de vie, incertitude quant à l’avenir, crainte d’éventuelles souffrances physiques et morales, isolement, perturbations de la vie familiale et sociale, préjudice sexuel et, le cas échéant, de procréation.

Il inclut, en outre, les différents préjudices personnels apparus ou qui apparaîtraient en phase de maladie avérée : souffrances endurées, préjudice esthétique et préjudice d’agrément.

En revanche, il n’englobe pas l’atteinte à l’intégrité physique.

Néanmoins, une décision récente jette le trouble sur l’incorporation du déficit fonctionnel dans le préjudice spécifique de contamination.

L’interprétation de cette décision est toutefois malaisée du fait de la motivation lapidaire de la Cour de cassation.

Par la suite, la notion de préjudice spécifique de contamination a été étendue, par la jurisprudence, à d’autres types de de contamination tels que la contamination par le virus de l’hépatite C (ci-après, VHC) ou la maladie de Creutzfeldt-Jakob).

La pratique actuelle de l’ONIAM se tourne plutôt vers un abandon de la réparation du préjudice spécifique de contamination pour une indemnisation postes par postes selon la nomenclature Dintilhac.

La nomenclature Dintilhac intègre ces différentes applications, en se référant expressément au préjudice lié à la contamination d’une personne par le virus de l’hépatite C, à celui du VIC, à la maladie de Creutzfeldt-Jakob ou à l’amiante.

Elle précise, en outre, que cette liste n’est limitative puisqu’elle demeure « susceptible de s’allonger dans l’avenir au regard des progrès de la médecine qui mettent de plus en plus en évidence ce type de pathologie virale ou autre jusque-là inexistante ou non détectée ».

Le préjudice extrapatrimonial évolutif indemnise le préjudice résultant pour une victime de la connaissance de sa contamination par un agent exogène, quelle que soit sa nature (biologique, physique ou chimique), qui comporte le risque d’apparition à plus ou moins brève échéance, d’une pathologie mettant en jeu le pronostic vital.

Récemment, la Cour de cassation est semble-t-il venue ériger la connaissance de la contamination par la victime en une condition sine qua non du droit à indemnisation, alors qu’elle n’était jusqu’à présent qu’une composante du préjudice, refusant dès lors toute réparation à une victime tenue dans l’ignorance de sa maladie.

Compte tenu de ce caractère évolutif, la Cour de cassation estime que l’indemnisation de ce préjudice est justifiée même si la victime « peut être considérée comme guérie », dans la mesure où sont indemnisés « les troubles causés par la rechute, même faible, et à raison de la nécessité de se soumettre à une surveillance médicale régulière ».

Autrement dit, la guérison de la victime ne ferait pas obstacle à l’indemnisation d’un préjudice spécifique, tant pour les troubles subis pendant la maladie, que pour la crainte d’une rechute subsistant toujours après.

On notera que ce préjudice peut exister dans l’hypothèse d’infections nosocomiales récidivantes constituant au fil du temps un foyer infectieux susceptible de se réactiver à tout moment.

Ce poste de préjudice se distingue, néanmoins, de la notion jurisprudentielle de préjudice spécifique de contamination, antérieure à la nomenclature Dinthilhac, puisqu’il n’englobe pas tous les préjudices extrapatrimoniaux, mais seulement certains d’entre eux.

Ainsi, il inclut les souffrances endurées par la victime, qui ne peuvent donc être réparées de façon autonome, sous peine de conduire à une double indemnisation.

De même, ce poste de préjudice comprend le préjudice esthétique et le préjudice d’agrément.

En revanche, le préjudice évolutif n’incorpore pas le déficit fonctionnel qu’il soit temporaire ou permanent, lesquels doivent, par conséquent, être indemnisés de manière distincte.

Enfin, il importe de préciser que ce poste de préjudice, lié à des pathologies évolutives, existe en dehors de toute consolidation des blessures, puisqu’il se présente pendant et après la maladie traumatique. » *


En toute hypothèse, en votre qualité de victime, vous devez envisager l’ensemble de votre dossier pour la reconnaissance de la totalité de vos préjudices avec un avocat habitué à ce type de saisine, de négociations et de combat.




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* Max LE ROY, Jacques-Denis LE ROY, Frédéric BIBAL, L’évaluation du préjudice corporel, 21e édition LexisNexis