Accidents de la circulation : l’impossibilité pour la partie civile de solliciter l'indemnisation d'autres préjudices après y avoir expressément renoncé dans une transaction
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Par un arrêt du 13 juin 2017 publié au Bulletin (Cass, Crim, 13 juin 2017, n° 16-83.545), la Chambre Criminelle de la Cour de Cassation décide que la partie civile qui, en concluant une transaction, a déclaré être remplie de tous ses droits à indemnisation des conséquences de l'accident dont elle a été victime, ne peut, par la suite, solliciter l'indemnisation d'autres préjudices.
Il convient donc d’être très prudent dans la conclusion d'une transaction afin que la victime, qui n'aurait pas sollicité l'indemnisation de l'intégralité de ses préjudices au moment de la signature d'une transaction, ne se heurte pas, plusieurs années après, à l'autorité de la chose jugée de cette même transaction.
La victime doit envisager l’ensemble de son dossier pour la reconnaissance de la totalité de ses préjudices avec un avocat habitué à ce type de saisine, de négociations et de combat.
Références
chambre criminelle
Audience publique du mardi 13 juin 2017
N° de pourvoi: 16-83545
Publié au bulletinRejet
M. Guérin, président
Mme Dreifuss-Netter, conseiller rapporteur
Mme Caby, avocat général
SCP Gaschignard, SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat(s)
Texte intégral
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
- M. Benoît X..., partie civile,
contre l'arrêt de la cour d'appel d'ANGERS, chambre correctionnelle, en date du 21 mars 2016, qui, dans la procédure suivie contre M. Guillaume Y... du chef de blessures involontaires, a prononcé sur les intérêts civils ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 3 mai 2017 où étaient présents : M. Guérin, président, Mme Dreifuss-Netter, conseiller rapporteur, MM. Pers, Fossier, Mme Farrenq-Nési, MM. Bellenger, Lavielle, conseillers de la chambre, Mmes Harel-Dutirou, Guého, conseillers référendaires ;
Avocat général : Mme Caby ;
Greffier de chambre : Mme Bray ;
Sur le rapport de Mme le conseiller DREIFUSS-NETTER, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, de la société civile professionnelle GASCHIGNARD, avocats en la Cour, et les conclusions de Mme l'avocat général référendaire CABY ;
Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 1134 dans sa rédaction applicable à la cause, 2044 à 2052 du code civil, 2 et 3 du code de procédure pénale, 593 du même code, défaut de motifs et manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a déclaré les demandes d'indemnisation des pertes de gains professionnels futurs et du préjudice permanent exceptionnel irrecevables, et s'est borné à accorder à M. X... la somme de 78 979, 57 euros au titre de la perte des gains professionnels actuels ;
" aux motifs que M. X... a accepté, le 9 novembre 2010, une proposition transactionnelle fixant à 54 960 euros le montant de ses préjudices, en ce non compris celui résultant de l'arrêt temporaire de ses activités professionnelles ; qu'il y est mentionné qu'il déclare « en toute connaissance être entièrement indemnisé à titre définitif et à forfait de tous préjudices ou dommages quelconques et généralement de toutes les conséquences de l'accident et renonce à toute instance ou toute autre action devant quelque juridiction que ce soit » ; que cette convention, qui reproduit les dispositions de l'article L. 211-16 du code des assurances et dont la validité n'est pas contestée, fait obstacle à ce que M. X... sollicite l'indemnisation d'autres préjudices que ceux découlant de son arrêt temporaire de travail, de sorte que les demandes présentées au titre des pertes de gains professionnels et de son préjudice permanent exceptionnel sont irrecevables comme se heurtant à l'autorité de chose jugée de la transaction ;
" 1°) alors que le préjudice résultant de l'infraction doit être réparé dans son intégralité sans perte ni profit pour la victime ; qu'une transaction conclue entre la victime et l'assureur du responsable n'a autorité de chose jugée entre les parties que dans la limite de la contestation à laquelle elle a mis fin et pour les seuls postes et éléments expressément visés dans la transaction ; qu'en la cause, la transaction ne visait pas le poste d'indemnisation de la perte de gains professionnels futurs, distinct du poste d'incidence professionnelle visé et indemnisé forfaitairement dans la transaction ; qu'en dépit de la formule générale prévoyant la renonciation à se prévaloir de tout préjudice ou dommage quelconque et à toute action qui ne pouvait concerner que les préjudices et dommages qui avaient été forfaitairement indemnisés dans la transaction, M. X... demeurait recevable et fondé à solliciter l'indemnisation d'un poste de préjudice non prévu ni indemnisé dans la transaction, dont il justifiait, relatif à la perte de gains professionnels futurs ; qu'en statuant donc comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé les textes et le principe susvisés ;
" 2°) alors que la transaction du 6 novembre 2010 ne réparait manifestement pas le poste relatif à la perte de gains professionnels futurs, qu'elle ne visait pas ; qu'en déclarant irrecevable la demande présentée à ce titre par M. X..., en considérant qu'elle se heurtait à l'autorité de chose jugée de la transaction, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de ladite transaction et méconnu les textes susvisés " ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt et des pièces de procédure que le 30 juin 2007, M. Benoît X..., militaire de carrière, passager d'un véhicule conduit par M. Guillaume Y..., a été blessé dans un accident de la circulation, que ce dernier a été condamné des chefs de blessures involontaires et de conduite du véhicule à une vitesse excessive, le tribunal recevant M. X... et la Caisse nationale militaire de sécurité sociale en leur constitution de partie civile et renvoyant l'affaire sur intérêts civils ; qu'au vu d'une expertise amiable, M. X... et la société Les assurances du Crédit mutuel, en qualité d'assureur de M. Y..., ont conclu, le 9 novembre 2010, une transaction réservant le poste de gains professionnels temporaires et évaluant les autres chefs de préjudice à un montant total de 54 960 euros ; que par jugement, en date du 18 février 2015, le tribunal correctionnel a déclaré M. Y... entièrement responsable et tenu à réparation intégrale des conséquences de l'accident dont M. X... a été victime, et l'a condamné, ainsi que son assureur, à verser à ce dernier la somme de 186 189, 55 euros en réparation de son préjudice corporel, incluant une indemnité pour perte de gains professionnels futurs ; que M. Y... et les assurances du Crédit Mutuel ont interjeté appel ;
Attendu que, pour déclarer irrecevables les demandes de M. X... au titre de la perte de gains professionnels futurs et d'un préjudice exceptionnel permanent, l'arrêt retient qu'il a accepté, le 9 novembre 2010, une proposition transactionnelle fixant à 54 960 euros le montant de ses préjudices, en ce non compris celui résultant de l'arrêt temporaire de ses activités professionnelles et qu'il y est mentionné qu'il déclare « en toute connaissance être entièrement indemnisé à titre définitif et à forfait de tous préjudices ou dommages quelconques et généralement de toutes les conséquences de l'accident et renonce à toute instance ou toute autre action devant quelque juridiction que ce soit » ; que les juges ajoutent que cette convention, qui reproduit les dispositions de l'article L. 211-16 du code des assurances et dont la validité n'est pas contestée, fait obstacle à ce que M. X... sollicite l'indemnisation d'autres préjudices que ceux découlant de son arrêt temporaire de travail, de sorte que les demandes présentées au titre des pertes de gains professionnels et de son préjudice exceptionnel permanent sont irrecevables comme se heurtant à l'autorité de chose jugée entre les parties de la transaction ;
Attendu qu'en prononçant ainsi, et dès lors qu'aux termes de la transaction la partie civile déclarait être remplie de tous ses droits à indemnisation des conséquences de l'accident, la cour d'appel, qui n'a pas dénaturé la transaction litigieuse, a fait l'exacte application des textes visés au moyen ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
DIT n'y avoir lieu à application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le treize juin deux mille dix-sept ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.
ECLI:FR:CCASS:2017:CR01311
Analyse
Décision attaquée : Cour d'appel d'Angers , du 21 mars 2016
Titrages et résumés : ACTION CIVILE - Extinction - Transaction - Transaction avec l'assureur du prévenu - Effet
Ayant relevé qu'aux termes d'une transaction avec l'assureur du responsable, la partie civile, victime d'un accident de la circulation, avait accepté une proposition transactionnelle fixant à une certaine somme le montant de ses préjudices, en ce non compris celui résultant de l'arrêt temporaire de ses activités professionnelles, par laquelle le signataire déclarait "en toute connaissance être entièrement indemnisé à titre définitif et à forfait de tous préjudices ou dommages quelconques et généralement de toutes les conséquences de l'accident et renoncer à toute instance ou toute autre action devant quelque juridiction que ce soit", une cour d'appel a exactement retenu que les demandes présentées au titre des pertes de gains professionnels et du préjudice exceptionnel permanent étaient irrecevables comme se heurtant à l'autorité de chose jugée entre les parties de la transaction
ACCIDENT DE LA CIRCULATION - Indemnisation - Offre de l'assureur - Transaction - Effet
Précédents jurisprudentiels : Sur l'extinction de l'action civile suite à une transaction conclue entre les parties, à rapprocher :Crim., 7 octobre 2003, pourvoi n° 03-80.670, Bull. crim. 2003, n° 180 (cassation partielle sans renvoi), et les arrêts cités
Textes appliqués :
- articles 2044 à 2052 du code civil
- articles 2044 à 2052 du code civil