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Décarbonation : Le site fermé, transition rapide vers le zéro émission

Transport - Route
17/03/2023

Bulletin des transports : Vous misez clairement sur l’électrique, à la fois grâce à une forte stratégie recherche et développement et à des partenariats. Pourquoi ?
J.-C. B. : Depuis 2012, nous avons cessé le diesel et le thermique pour créer des plateformes modulaires, principalement pour les sites fermés sur le marché européen et hors Europe. Nous visons trois activités : les centres logistiques, les terminaux portuaires et le sous-terrain. Nous investissons sur les véhicules portuaires et pour les centres logistiques, uniquement sur des plateformes électriques. Tous nos véhicules sont natifs électriques, ils ont été conçus avec une approche modulaire et peuvent intégrer différents types de batterie. Ils fonctionnent aussi à l’hydrogène.
L’autre axe d’investissement, ce sont les véhicules autonomes dans la mesure où, sur sites fermés, les contraintes d’homologation sont moindres que sur la route ; les trajectoires sont bien définies. Nous avons développé des partenariats avec des fournisseurs et des clients. Par exemple, pour peaufiner le tracteur ATM 38 t, qui déplace les semi-remorques dans les centres logistiques, nous avons travaillé avec Carrefour. Nous avons aussi noué des partenariats avec des acteurs comme Symbio pour la partie pile à combustible. Nous ne fabriquons pas les composants, nous faisons toute l’ingénierie du véhicule.
Le budget R&D s’élève à 140 M€ investis avec les laboratoires de recherche et les fournisseurs. Nous sommes une société technologique qui est aujourd’hui dans une phase d’industrialisation et un intégrateur complet, constructeur de ses véhicules sur le site de Saint-Vallier, en Saône-et-Loire, pour le marché européen.  

BTL : C’est votre expérience des sites fermés qui semble porter votre ambition en matière de production de véhicules zéro émission...
J.-C. B. :
Nous voulons atteindre 1 600 véhicules produits à l’horizon 2028 sur nos trois marchés confondus. Il est vrai que la mobilité sur les sites fermés est intense et beaucoup plus accessible. Lorsque nous livrons un véhicule électrique ou hydrogène, manuel ou autonome, nous sommes soumis à la directive machine, régie par la norme ISO 13 849, et non pas à l’homologation routière, liée à la norme ISO 26 262. Il y a suffisamment de mobilité pour créer un écosystème propre. En dépit d’un coût d’acquisition qui est 2,5 fois le coût d’un véhicule diesel, le TCO (1) est très bon sur la période de vie d’un véhicule électrique. Un véhicule portuaire électrique en opération sera 60 % du temps à l’arrêt, 40 % en roulage. Ce sera alors le seul moment où il consommera l’électricité de sa batterie ou l’hydrogène de sa pile à combustible. De plus, la vitesse moyenne  des véhicules sur sites fermés est de 20 km/h. Les distances sont extrêmement faibles au regard d’un poids lourd. C’est la raison pour laquelle les sites fermés déclenchent une transition rapide vers le zéro émission.

BTL : Vous possédez aujourd’hui un panel de 2 500 clients dans le monde, parmi lesquels Amazon, signé récemment. Comment travaille-t-on avec le géant du e-commerce ?
J.-C. B. :
Amazon est à la fois un client et un partenaire stratégique qui, en décembre 2022, a passé commande de 329 tracteurs électriques ATM 38 t « full elec ». Cette commande rentre dans un contrat cadre. Les premiers véhicules seront livrés dans les prochaines semaines et nous prévoyons une transition de production vers les États-Unis. C’est une opportunité de s’implanter sur le marché américain, notamment sur les centres logistiques et les ports. C’est aussi une opportunité de développer nos licences. C’est une grande reconnaissance qui démontre l’avance technologique de Gaussin. Fait marquant, nous attribuerons des bons de souscription d’actions à Amazon. C’est un axe stratégique pour obtenir un bon équilibre entre le niveau de dette et les fonds propres. Dit autrement, si Amazon contracte 500 MUSD de commandes, il peut entrer au capital de Gaussin à hauteur de 20 %.

BTL : Votre carnet de commandes a explosé avec un CA à 57,30 M€ en 2022. Comment votre politique de licences participe-t-elle à cette croissance ?
J.-C. B. :
Elle est là pour assurer notre volonté de développement en dehors de l’Europe, avec des partenaires locaux qui connaissent bien le pays et la zone géographique et investissent dans notre technologie. Pour  les véhicules AGV portuaires à fournir au port de Singapour, nous avons un contrat de licence exclusif avec la société ST Engineering. C’est une approche gagnant-gagnant avec ce licencié local, lequel aura des revenus générés par la vente de ces véhicules dans les années à venir. Pour Gaussin, les revenus sont le droit d’entrée et les royalties sur la vente des véhicules AGV réalisée pendant 20 ans sur le territoire de Singapour.
Nous avons généré 43 M€ de licence encaissés depuis le démarrage du modèle de licence. Notre objectif est d’atteindre 30 M€ par an. À l’horizon 2024, nous prévoyons de développer une capacité de production aux États-Unis via un licencié local. Et nous ciblons un potentiel de nouvelles licences au Moyen-Orient pour répondre à la demande de méga-projets que la région envisage.

(1) Total cost of ownership : coût total de possession.

Propos recueillis par Louis Guarino
Source : Actualités du droit