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REP : possibilité de demander à titre subsidiaire l’abrogation d’un acte pour changement de circonstances

Public - Droit public général
24/11/2021
Dans un arrêt de section du 19 novembre 2021, le Conseil d’État déclare qu’il est possible d’inclure dans un recours pour excès de pouvoir une demande d’abrogation à titre subsidiaire de l’acte faisant l’objet de ce recours, en cas de changement de circonstances de fait et de droit rendant l’acte illégal.
La Haute cour avait été saisie d’une demande d’annulation d’une délibération par laquelle le conseil d’administration de l’office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) avait fixé la liste des pays considérés comme étant des pays d’origine sûrs, et avait sursis à statuer et renvoyé à la section du contentieux le jugement des conclusions à fin d’abrogation.
 
L’arrêt rendu par la section du contentieux le 19 novembre 2021 (CE, sect., 19 nov. 2021, n° 437141) marque un changement dans l’office du juge administratif.
 
Le conseil d’État rappelle que le juge statue en principe sur la légalité d’un acte à la date de son adoption : « Lorsqu'il est saisi de conclusions tendant à l'annulation d'un acte réglementaire, le juge de l'excès de pouvoir apprécie la légalité de cet acte à la date de son édiction. S'il le juge illégal, il en prononce l'annulation ».
 
Il vient ensuite annoncer qu’il peut être saisi à titre subsidiaire de conclusions tendant à l’abrogation du même acte, du fait de changement de circonstances de droit ou de fait :
« Ainsi saisi de conclusions à fin d'annulation recevables, le juge peut également l'être, à titre subsidiaire, de conclusions tendant à ce qu'il prononce l'abrogation du même acte au motif d'une illégalité résultant d'un changement de circonstances de droit ou de fait postérieur à son édiction, afin que puissent toujours être sanctionnées les atteintes illégales qu'un acte règlementaire est susceptible de porter à l'ordre juridique. Il statue alors prioritairement sur les conclusions à fin d'annulation ».
 
Le juge doit donc statuer en premier lieu sur les conclusions à fin d’annulation, et, s’il n’y fait pas droit, se prononcer sur les conclusions à fin d’abrogation : « Dans l'hypothèse où il ne ferait pas droit aux conclusions à fin d'annulation et où l'acte n'aurait pas été abrogé par l'autorité compétente depuis l'introduction de la requête, il appartient au juge, dès lors que l'acte continue de produire des effets, de se prononcer sur les conclusions subsidiaires. Le juge statue alors au regard des règles applicables et des circonstances prévalant à la date de sa décision ».
 
Enfin, le conseil annonce que le juge peut abroger un acte devenu illégal du fait de ce changement de circonstances, avec la possibilité de moduler les effets dans le temps de cette abrogation, en repoussant cette abrogation à une date ultérieure (voir CE, ass., 11 mai 2004, n° 255886, Association AC !, n° 255886, sur la modulation dans le temps des effets d’une annulation, voir Le Lamy contentieux administratif nos 805 et s.) : « s'il constate, au vu des échanges entre les parties, un changement de circonstances tel que l'acte est devenu illégal, le juge en prononce l'abrogation. Il peut, eu égard à l'objet de l'acte et à sa portée, aux conditions de son élaboration ainsi qu'aux intérêts en présence, prévoir dans sa décision que l'abrogation ne prend effet qu'à une date ultérieure qu'il détermine ».
 
En l’espèce, les requérants faisaient valoir un changement de circonstances résultant de la dégradation de la situation de certains pays classés « pays d’origine sûrs » depuis l’adoption de la délibération de l’OFPRA. Il s’agissait de d’une part l’Arménie (conflit au Haut-Karabagh en septembre 2020) et d’autre part de la Géorgie (dégradation liée aux élections législatives d’octobre et novembre 2020 et incidents ayant conduit à l’annulation d’une marche des fiertés). Le Conseil d’État rejette les demandes en indiquant que pour l’Arménie, un accord de cessez-le-feu avait permis une stabilisation de la situation politique, et que pour la Géorgie, « il ne ressort pas il ne ressort pas des pièces des dossiers qu'en dépit de certaines difficultés liées à la situation politique, la situation de ce pays se serait, à ce jour, dégradée au point d'entacher d'illégalité le maintien de l'inscription de ce pays sur la liste des pays d'origine sûrs ».
 
Sur le recours pour excès de pouvoir, voir Le Lamy contentieux administratif n° 433 et s.
 
Source : Actualités du droit